Un matin, vous n’avez plus de nouvelles de votre salarié. Il ne se présente plus à son poste, ne répond ni à vos appels ni à vos courriers de mise en demeure. Vous engagez alors une procédure à son encontre et lui notifiez son licenciement pour faute grave en raison de son abandon de poste. Si ce licenciement prive votre salarié de ses indemnités de rupture, cela lui permet en revanche de bénéficier de l’assurance chômage.

Au 1er semestre 2022, ce mode de rupture a représenté environ 70% des licenciements pour faute grave ou lourde (étude de la DARES publiée en février 2023). Ce chiffre pourrait à l’avenir évoluer à la baisse avec la présomption de démission pour abandon de poste, qui prive le salarié du bénéfice de l’assurance chômage.

En quoi consiste la présomption de démission pour abandon de poste ? Quels sont les modalités, les conséquences et les enjeux de ce nouveau dispositif ? Nos avocats en droit social répondent à vos questions dans cet article.

Quand est entrée en vigueur la présomption de démission pour abandon de poste ?

La présomption de démission pour abandon de poste a été instaurée par l’article 4 de la loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.

Depuis l’entrée en vigueur du décret n°2023-275 du 17 avril 2023, fixant les modalités d’application de ce nouveau dispositif, les employeurs peuvent mettre en œuvre la présomption de démission pour abandon de poste, selon les modalités prévues par les nouveaux articles L.1237-1-1 et R.1237-3 du code du travail, qui ont d’ores et déjà fait l’objet d’un questions/réponses du Ministère du travail.

Quelles sont les modalités de mise en oeuvre de ce nouveau dispositif ?

La mise en œuvre du dispositif de présomption de démission pour abandon de poste nécessite les trois conditions cumulatives suivantes :

  • Un abandon de poste volontaire du salarié.
  • Une mise en demeure de l’employeur, adressée à son salarié, par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge.
  • Un délai d’au moins 15 jours calendaires laissé au salarié, à compter de la présentation de la mise en demeure, pour justifier de son absence et reprendre son poste.

Si ces conditions sont remplies et que la mise en demeure est restée sans effet, l’employeur pourra, à l’issue du délai qu’il a imparti au salarié, présumer celui-ci comme étant démissionnaire, en application des nouvelles dispositions du code du travail.

Quelles sont les conséquences de la présomption de démission, par rapport au licenciement pour abandon de poste ? 

Sur les indemnités de rupture

Tout comme dans un cas de licenciement pour abandon de poste, le salarié présumé démissionnaire ne bénéficie pas de l’indemnité de licenciement.

En cas de licenciement pour faute grave à la suite d’un abandon de poste, il n’y a pas de préavis. En revanche, en cas de présomption de démission, la question du préavis n’est pas expressément traitée par les nouveaux textes. De ce fait, le salarié devrait bien être tenu à un préavis, qu’il n’exécutera toutefois probablement pas et qui ne lui sera donc pas rémunéré, compte tenu des circonstances.
Le Ministère du travail, dans son questions / réponses, précise d’ailleurs que le point de départ de ce préavis est le jour ultime fixé par l’employeur pour la reprise du travail de son salarié en abandon de poste fixé dans la mise en demeure.

En toute hypothèse, le salarié bénéficie de son indemnité compensatrice de congés payés.

Sur les indemnités de l'assurance chômage

La différence essentielle et majeure entre ces deux modes de rupture est donc l’absence du bénéfice de l’assurance chômage. Cette conséquence impacte directement et uniquement le salarié.

Aussi, cela pourrait inciter le salarié qui a été « démissionné » par son employeur à intenter une action devant le Conseil de prud’hommes pour renverser la présomption de démission, puisque la présomption instaurée par le nouveau dispositif n’est qu’une présomption simple.

Remise en cause de la présomption de démission par le salarié : quelles sont les modalités de mise en oeuvre ? 

Après la rupture de son contrat de travail par démission présumée, le salarié dispose d’un délai d’un an pour saisir le Conseil de prud’hommes, afin de remettre en cause la nature et les conséquences de la rupture du contrat de travail. L’affaire sera portée directement devant le bureau de jugement qui devra statuer dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.

Si l’employeur a bien respecté, sur la forme et les délais, la procédure prescrite par les dispositions du code du travail, le débat portera alors sur le caractère volontaire de l’abandon de poste. Pour renverser la présomption et remettre en cause la nature et les conséquences de sa rupture, le salarié devra démontrer que son abandon de poste n’était pas volontaire, mais qu’il résultait de motifs légitimes (notamment raisons médicales, droit de retrait, droit de grève, refus d'exécuter une instruction contraire à une réglementation ou modification du contrat de travail à l'initiative de l'employeur).

Toutefois, si le salarié dispose d’un motif légitime de nature à faire obstacle à la présomption de démission, il aurait dû l’indiquer à son employeur dans la réponse à la mise en demeure qui lui a été adressée. L’absence de réponse du salarié à la suite de la mise en demeure semble donc limiter les possibilités ou à tout le moins les chances de succès d’une action intentée par le salarié en vue de remettre en cause sa rupture.

Quelles sont les conséquences d'une remise en cause ? 

Si le Conseil de prud’hommes est convaincu par l’argumentation du salarié, outre le fait que le salarié pourra prétendre au bénéfice de l’assurance chômage, les conséquences pour l’employeur peuvent être importantes.

En effet, si le salarié obtient le renversement de la présomption de démission, la rupture du contrat de travail doit, logiquement, être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, voir nul selon les justifications avancées par le salarié et retenues par le Conseil de prud’hommes pour légitimer l’abandon de poste.

Il est donc nécessaire, pour les employeurs, de s’interroger, en fonction de chaque situation, sur les possibilités et l’opportunité juridique d’utiliser ce nouveau dispositif de démission présumée.

 

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