Les mentions légales d’un site internet, régulièrement incomplètes, confondues avec d’autres mentions d’information, reléguées sur une page lointaine ou parfois tout simplement introuvables, sont souvent négligées, car jugées d’importance mineure. 

Et pourtant, leur contenu minimal, prévu par la loi pour la confiance dans l’économie numérique depuis 2004, est de plus en plus fréquemment la source d’un contentieux judiciaire.  

Des mentions légales manquantes, c’est grave docteur ?

L’affaire du blog de Jean-Luc Mélenchon (TGI Paris, 17ème ch., 10 juil. 2019) a ainsi remis sur le devant de la scène l’obligation de mentions légales exhaustives. Les mentions litigieuses ne comportaient pas le nom du directeur de publication. Même après correction, il manquait encore (!) le nom du co-directeur, obligatoire dans le cas où le premier bénéficie d’une immunité parlementaire. Certes la sanction a été symbolique (1 euro), mais elle s’accompagnait du remboursement des frais de justice pour la victime.

Cette décision est l’occasion de rappeler que les manquements relatifs aux mentions légales pouvaient donner lieu, d’après les textes, à une action empruntant :

  • soit la voie civile avec une demande d’indemnisation pour le préjudice subi, comme c’était le cas ici. 
  • soit la voie pénale, avec la condamnation à une amende pouvant aller jusqu’à 75 000 euros pour le dirigeant de la société, sur laquelle peut se greffer une action civile.

Ainsi, un jugement du 11 juillet 2014 du TGI de Paris a condamné deux personnes, identifiées comme éditeur du site notetonentreprise.com, pour n’avoir pas respecté l’article 6 III-1 de la LCEN. Pour cette absence des mentions légales obligatoires, ils ont été condamnés à payer 6 000 € d’amende, auxquels s’ajoutent notamment 1 500 € à verser à la partie civile, au titre des frais de justice.

Des mentions légales manquantes, le suraccident ?

De manière plus fortuite, certaines décisions se sont fondées sur des mentions incomplètes ou inexistantes pour évoquer ou étayer d’autres types de violations, comme :

  • Un « comportement déloyal au regard des règles de la concurrence qui s’appliquent à toutes les sociétés », en cas d’absence totale de mentions (TGI Paris réf., 21 nov. 2017, Lafuma Mobilier), étant entendu que « le défaut de mentions légales d’un site pourrait même constituer un des critères permettant de qualifier un site internet marchand de site pirate » ;
  • Ou un parasitisme en raison de la copie mot pour mot, de mentions légales figurant sur le site d’une société concurrente, le fautif se voyant condamné à 2 500 euros de dommages et intérêt pour ce fait (CA Rennes, 11 septembre 2018, n°15/09630). 

Même dans l’affaire de Jean-Luc Mélenchon, l’action sur ce fondement n’avait pas été envisagée initialement : la victime voulait se plaindre à l’origine d’une diffamation, mais n’avait pu le faire en l’absence des mentions légales. Elle a donc agi sur ce fondement et obtenu une sanction pénale théoriquement plus forte que celle liée à la diffamation.

Les mentions légales, le reflet du sérieux d’une entreprise ?

A notre avis, ces dernières situations doivent interpeller : si les mentions légales sont le reflet du sérieux d’une entreprise et souvent le critère permettant de faire le partage entre un site de confiance et un site frauduleux, des mentions mal rédigées peuvent également se retourner contre l’éditeur du site dans le cadre d’un conflit annexe, aggravant le risque originel.

Cet argument, à lui seul, devrait achever de convaincre les plus réticents de l’importance de disposer de mentions légales complètes, légalement irréprochables et adaptées à la situation : les exemples précédents montrent bien que la génération automatique ou la reprise de mentions tierces existantes n’est décidément pas une bonne idée.

Mais où les faire apparaître ?

Concluons sur un rappel de la forme que ces mentions devraient prendre : le TGI de Paris a indiqué le 21 novembre 2017 à l’occasion de la décision mentionnée ci-dessus que « pour respecter complètement les obligations légales, ces mentions doivent apparaître sous un onglet ou une rubrique indépendante et permettre aux utilisateurs ou aux tiers de pouvoir connaître le nom et l’adresse de l’entité responsable en cas de litiges sur le site et de pouvoir la contacter aisément. ».

Ces mentions sont nettement différentes, dans leur contenu, de « conditions générales d’utilisation du site », voire de « conditions générales de vente ». Mais ceci sera l’objet d’une prochaine chronique !

FRCO

François Coupez, Avocat à la cour, Associé, spécialiste en droit des nouvelles technologies

Parmi ses domaines d’expertises : droit de l’innovation, cybersécurité, droit de l’internet, contrats informatiques, protection des données personnelles, propriété intellectuelle.

Me François Coupez est avocat à la Cour, associé en charge de la practice Droit du numérique/Data. Titulaire des certifications « nouvelles technologies » délivré par le CNB et DPO (agrément CNIL), François met sa double compétence en droit et technologies de l’information au service de nombreuses grandes entreprises depuis près de 20 ans afin de les conseiller et de les assister face à leurs contraintes réglementaires.
Vice-président du club R2GS, il est également Senior Advisor du Cybercercle et membre de l’ANJB, de Cyberlex, ou encore de l’AFCDP. Il est l’auteur de nombreux articles de doctrine, conférencier et formateur (en Master II à Paris II, au CELSA, à Dauphine, au CNAM, etc.).

GPER

Géraldine Péronne, Avocat à la Cour, Docteur en droit
 

Parmi ses domaines d’expertises : protection des données personnelles, droit de l’internet, cybersécurité, contentieux.

Géraldine est avocate au Barreau de Paris depuis 2014 et docteur en droit. 
Chargée d’enseignements pendant sept ans à l’Université (Paris I et UPEC), elle a ensuite exercé en qualité d’avocate dans un cabinet parisien spécialiste du contentieux pénal et civil pendant quatre ans, avant d’intégrer ATIPIC Avocat/implid Legal. 
Elle intervient sur des dossiers de droit des nouvelles technologies et droit des données personnelles (audits de conformité RGPD notamment) tant en conseil qu’en contentieux et commente régulièrement l’actualité juridique sur ces sujets, dans le cadre de rédaction d’articles. 
Elle est certifiée DPO (agrément CNIL).