Avant d’évoquer les enjeux juridiques du Web3, il convient de définir ce que recouvre ce concept risquant de modifier en profondeur la façon dont nous interagissons en ligne.
Retrouvez dans ce 1er volet une définition des principales notion-clés utilisées dans l’écosystème du Web3.

Dans un second volet, nos avocats en droit du numérique décrypteront pour vous les enjeux juridiques de l’écosystème du Web3. Le 3ème et dernier volet sera, quant à lui, consacré à la célèbre affaire qui a opposé la maison Hermès au créateur Mason Rothschild. Ce dernier a créé et mis en ligne sur le metavers des « Metabirkins » inspirés du modèle phare du sac Birkin d’Hermès, posant ainsi une problématique de propriété intellectuelle.

Quelle est la définition du Web3 ?

Le Web3 fait référence à la nouvelle génération technologique du web, héritière des précédentes versions d’Internet :

  • le Web 1.0 ou « web statique » : qui consistait principalement à diffuser des informations en ligne et permettait de naviguer entre des pages « statiques ».
  • puis le Web 2.0 ou « web interactif » : apparu dans les années 2000 et permettant aux utilisateurs de créer et partager du contenu en ligne.

Le Web3 ou « web sémantique » renvoie à l’idée d’un web décentralisé, plus libre et indépendant des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), qui a la volonté de redonner aux internautes le contrôle de leur vie numérique.

Le Web3 est en effet étroitement lié à la technologie de la « blockchain », une technologie de stockage et de transmission d’informations décentralisées, qui permet de répartir les données entre différents utilisateurs, plutôt que de les stocker dans une base de données centrale.

Cette décentralisation du web3 induit ainsi un certain nombre d’avantages pour ses utilisateurs : sécurité, confidentialité et transparence des interactions en ligne. Elle offre une multitude d'applications qui pourraient toucher tous les secteurs : immobilier, art, automobile, luxe, mode, transport, distribution, musique, médias, etc.

Pourquoi parle-t-on autant du Web3 aujourd'hui ?

Après la chronique de sa mort annoncée, essentiellement dû à la volatilité des cryptomonnaies, le Web3 poursuit sa route et continue à faire parler de lui.

Le 1er semestre 2023 a en effet été marqué par de nombreux projets et évènements liés au Web3.

A titre d’exemple, il est possible de citer :

  • Louis Vuitton, qui a organisé en mars dernier la première édition du AHE3D (événement interne ayant pour but de rassembler une centaine de dirigeants afin de discuter des solutions offertes par le Web3) ;
  • Ralph Lauren, qui a ouvert son premier magasin acceptant le paiement en cryptoactifs en avril dernier à Miami ;
  • Adidas, qui a récemment lancé son « WEB 3 studio ».

Le Web3 poursuit donc son cycle de développement en multipliant des initiatives et projets toujours plus nombreux.

Quelles sont les définitions des notions-clés du Web3 ?

Pour comprendre les enjeux du Web3, il convient tout d’abord de balayer les principales notion-clés utilisées dans cet écosystème :

La blockchain

La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d'informations, transparente et sécurisée qui peut fonctionner de manière décentralisée. Elle permet de stocker des données de manière immuable, grâce à un registre partagé par un réseau d'ordinateurs.

Elle est composée de blocs de données, liés les uns aux autres de manière chronologique. Chaque bloc contient des transactions ou des informations spécifiques. Elles sont validées et enregistrées par les membres du réseau, appelés « mineurs ».

Plus concrètement, la blockchain permet à ses utilisateurs - connectés en réseau - de partager des données sans intermédiaire.

L'une des caractéristiques les plus importantes de la blockchain est son système de consensus. Il permet de préserver l'intégrité des données grâce à des algorithmes complexes. Les « mineurs » doivent valider chaque transaction. Ce consensus du réseau garantit un environnement de confiance pour les échanges, en permettant aux entreprises et aux individus de s’interconnecter directement.

Transaction classique centralisée / Transaction par blockchain décentralisée

Transaction classique centralisée / Transaction par blockchain décentralisée

La blockchain, initialement conçue pour soutenir les transactions passées en cryptomonnaies, peut être utilisée dans de nombreux autres domaines, tels que :

  • le secteur de la logistique, pour assurer la traçabilité des produits.
  • le secteur de la banque, pour sécuriser les paiements à distance ou les échanges d’actions…

Les cryptomonnaies

Selon l’Autorité des Marchés Financiers, les « cryptomonnaies » ou « cryptoactifs », sont des « actifs numériques virtuels qui reposent sur la technologie de la blockchain à travers un registre décentralisé et un protocole informatique crypté ».

C’est-à-dire qu’elles permettent aux utilisateurs les acceptant en paiement de réaliser des transactions sans avoir à recourir à la monnaie légale. Il ne s’agit donc pas d’une monnaie sur le plan juridique, ce qui soulève des questions juridiques liées à la réglementation applicable, à la fiscalité et à sa légitimité en tant que moyen de paiement.

Les cryptomonnaies, les plus citées sont :

  • Bitcoin (BTC),
  • Ether (ETH),
  • Binance Coin (BNB),
  • Tether (USDT),
  • XRP (XRP),
  • USD Coin (USDC)…

Les smart contracts

Les smart contracts sont des programmes informatiques développés pour exécuter automatiquement des instructions prédéfinies dans le cadre de la blockchain. En fixant clairement les conditions d’exécution, l'idée est de garantir que l’exécution des contrats est lié au code informatique. Autrement dit, le contrat s’exécute automatiquement dès lors que les conditions prédéfinies sont réunies.

En éliminant le besoin de s’en remettre à un tiers de confiance, les smart contracts présentent de nombreux avantages pour faciliter les transactions et automatiser les processus, tout en évitant les erreurs humaines.

Concrètement, les smart contracts peuvent être utilisés dans le milieu des assurances pour automatiser l’indemnisation des assurés ou encore dans le milieu artistique pour automatiser la perception du droit de suite.

Les NFT (Non-Fungible Tokens)

Les NFT sont des jetons cryptographiques uniques qui représentent la propriété d'actifs numériques. Contrairement aux cryptomonnaies, les NFT ne sont pas fongibles. Cela signifie qu’ils sont uniques et donc, par définition, non reproductibles et constituent une sorte de certificat numérique inscrit sur une blockchain, attestant de l’authenticité d’un ou plusieurs actifs matériels ou immatériels.

Les NFT sont souvent utilisés dans le contexte de l’art numérique pour représenter la propriété d’une œuvre (œuvres d'art, vidéos, enregistrements sonores…) et permettre de la vendre sur des places de marché.

Les NFT peuvent également être utilisés pour représenter la propriété d’autres actifs numériques (jeux vidéo, cartes de collection, tickets d’événements…).

Récemment, la Chambre régionale des commissaires de justice de la Cour d’appel de Paris a développé « Legide », une plateforme blockchain permettant de gérer, par le biais de NFT, la protection intellectuelle des projets de leurs clients. Elle permet d’assurer la preuve de l’antériorité des créations de ces derniers par horodatage (https://www.legide.paris).

Les Métavers

Un Métavers peut être défini comme un univers virtuel en 3D dans lequel les utilisateurs peuvent interagir avec des avatars et des objets numériques. Il permet le développement d’une expérience immersive et sociale où les personnes peuvent se connecter, créer et partager du contenu en temps réel.

C’est dans les années 2000 que les premiers « mondes ouverts » ont fait leurs apparitions avec Second Life, Linden Lab ou encore les Sims. Il semble néanmoins que ce soit l’avènement du Web3 qui ait donné un nouveau souffle au Métavers en favorisant le développement d’entreprises comme Decentraaland, Voxel ou encore Yuga Labs.

Il s’agit sans aucun doute d’un espace économique émergent dans lequel de potentiels messages, prestations de services ou annonces publicitaires peuvent d’ores et déjà être échangés.

Début juin, Apple a présenté un casque de réalité « mixte » (virtuelle et augmentée), baptisé « Vision Pro ». Si le CEO d’Apple n’a pas employé le terme de « métavers » lors de la présentation de ce nouveau casque, son lancement témoigne de l’attrait grandissant pour les mondes virtuels des sociétés innovantes qui veulent proposer aux utilisateurs une expérience toujours plus immersive.

Les DAO (Decentralized Autonomous Organizations)

Les DAO sont des organisations autonomes et décentralisées. Leur fonctionnement est basé sur des règles définies de manière transparente et immuable grâce à la blockchain.

L’objectif des DAO est de permettre à un groupe de personnes de travailler ensemble sur le développement et la gouvernance d’un projet. Elles permettent à leurs membres de prendre des décisions collectives sans avoir à se référer à une autorité centrale.

Pour ce faire, des jetons sont émis afin de permettre aux membres de participer aux décisions collectives. A ces jetons, peuvent être adossés un droit de gouvernance sur le projet. Ce droit permet aux détenteurs des jetons de proposer des idées, de voter pour ou contre les projets proposés et de participer au déploiement de ces derniers.

Les DAO sont souvent utilisées dans le contexte de projets open-source, d’initiatives communautaires ou de levées de fond faites sur la blockchain. Parmi les principales DAO, nous pouvons citer Uniswap. C’est un protocole qui permet d’échanger des cryptomonnaies de manière décentralisée sur Ethereum et qui affiche d’ores et déjà un volume journalier d’échanges de quelques 500 millions de dollars.

La DEFI (Decentralized Finance)

La DeFi est un écosystème financier décentralisé qui permet aux utilisateurs d'accéder à des services financiers sans avoir besoin des intermédiaires traditionnels, comme les banques. Il s’appuie sur les smart contracts qui vont permettre d’effectuer la transaction une fois que les conditions prédéfinies auront été réunies.

La DeFi offre de nombreuses possibilités, comme l'échange de cryptomonnaies, les prêts et les emprunts, l'assurance décentralisée et la gestion de portefeuilles d'actifs numériques. L'accès mondial aux services de la finance décentralisée est un atout majeur car cela permet aux pays du monde entier, et notamment à ceux qui sont dé-bancarisés, d'accéder à des services financiers abordables et fonctionnels. En effet, les services de la DeFi étant fondés sur la blockchain, quiconque disposant d'un accès à Internet peut y avoir accès, sans restriction liée à la nationalité ou aux revenus.

En conclusion...

Alors que le Web3 est en train de redéfinir la manière dont nous concevons Internet et interagissons en ligne, il convient d’encadrer ce nouvel écosystème au plan juridique, en particulier en matière de données personnelles et de propriété intellectuelle. Cette question fera l’objet du 2eme volet de notre série d’articles consacrée à l’appréhension du Web3 par le droit.

 

Catherine Chabert, avocat of counsel - Maxime Leynaud, assistant juridique

 

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