La recherche permanente de l’amélioration des services rendus à la clientèle, tant en matière de qualité des prestations fournies que de spécialisation, conduit les professionnels libéraux à se regrouper pour leur exercice professionnel.
L’exercice en groupe doit être juridiquement structuré. A défaut, il crée des situations dangereuses, voire non pérennes.

Les professionnels libéraux exerçant sans contrat créent entre eux une indivision sur la clientèle et le matériel acheté en commun. En cas de mise en commun d’honoraires, ils formeront une société de fait.

Une telle situation crée deux risques principaux :

  • l’absence de durée de la cohabitation professionnelle : chaque professionnel peut se retirer à tout moment en demandant aux autres le paiement de sa part ;
  • l’absence de règles concernant les prises de décision à l’intérieur du groupe, outre l’absence de lisibilité vis-à-vis des tiers quant au fonctionnement du groupe ;
  • l’absence de lisibilité vis-à-vis des tiers quant au fonctionnement du groupe.

1. La société : l'omniprésence du digital

Il est important de structurer juridiquement le fonctionnement de l’exercice en groupe, afin de lui donner une durée et des règles :

  • apports de chacun
  • règles de prises de décision
  • représentation
  • contribution aux charges
  • droit aux bénéfices.

Le regroupement de ces règles dans un contrat en fait une société.
Le fonctionnement des sociétés est institutionnalisé et doit respecter, en fonction de la forme choisie, des règles plus ou moins coercitives dont certaines relèvent de l’ordre public. C’est-à-dire qu’elles ne sont, en aucun cas, modifiables. Il existe donc des cadres juridiques définis par la Loi pour l’exercice en groupe : SEP, SCP, SEL, SARL, SA, SAS.

A titre d'exemple, les vétérinaires ont le choix entre toutes formes de société existantes en droit français.
Mais les règles de droit des sociétés ne prennent quasiment jamais (ou en tout cas très partiellement) le particularisme des sociétés d’exercice professionnel, celles dans lesquelles la qualité d’associé peut conférer un droit au travail. Le cadre juridique des statuts de société reste donc dans bien des cas insuffisant et doit être complété.

Les statuts doivent respecter les règles légales de fonctionnement. Il faut, pour chaque forme sociale, vérifier quelles sont les dispositions légales adaptables, notamment :

  • les droits particuliers attachés aux titres ;
  • les règles de majorité pour les prises de décisions ;
  • la forme des décisions : assemblées, décisions unanimes, vote par correspondance, électronique, etc... ;
  • les pouvoirs (et limitations) des mandataires sociaux (gérants, présidents) ;
  • les modalités de révocation des mandataires ;
  • les possibilités et modalités d’exclusion des associés.

Il conviendra par ailleurs de prendre en compte la publicité donnée à ces règles de fonctionnement. Les statuts sont en effet :

  • transmis et validés par l’Ordre des avocats qui en a connaissance en application des règles déontologiques ;
  • déposés au greffe du Tribunal de Commerce où ils sont à la disposition de toute personne qui en fait la demande, notamment avocats, centrales, banquiers, etc…

La pratique conduit donc à limiter le contenu des statuts aux règles de base du fonctionnement de la société outre certaines dispositions que les associés souhaitent porter à la connaissance des tiers, comme par exemple les limitations de pouvoirs des mandataires sociaux.

Il est donc impératif de compléter les statuts par d’autres contrats qui devront encadrer :

  • les questions pratiques de l’exercice professionnel ;
  • les relations purement capitalistiques entre associés.

Ces conventions complémentaires ne répondent à aucune obligation légale. Elles relèvent du domaine conventionnel et leur contenu est libre, sous réserve de respecter les règles de validité des contrats et de déontologie. Le choix du nombre de contrats et de leur contenu relève donc de chaque cas particulier.

2. Le règlement intérieur

Le règlement intérieur est le complément naturel des statuts en ce qu’il contient, en général, les règles pratiques de fonctionnement au jour le jour des cabinets, cliniques ou sites exploités par les cliniques.
Il peut être prévu en annexe des statuts et sa rédaction est vivement recommandée par l’ordre.

Son contenu est variable :

  • lieu d’activité
  • horaires des sites et des professionnels
  • formation
  • maladie
  • congés
  • maternité
  • retraite, etc…

S’agissant d’un contrat annexé aux statuts, son non-respect est sanctionné de la même façon que le non-respect des statuts, pouvant aller jusqu’à l’exclusion. Il peut être modifié dans les mêmes conditions que les statuts à une majorité renforcée. Traitant de questions d’exercice professionnel entre associés, il est transmis à l’Ordre et n’est pas déposé au greffe du Tribunal.

3. Le pacte d'associés

Beaucoup moins utilisé que le règlement intérieur, il a pourtant une utilité fondamentale car, en règle générale, il traite de questions purement capitalistiques et financières que les associés ne souhaitent pas évoquer dans les statuts.

Son contenu porte en général sur :

  • la clause d’inaliénabilité des titres ;
  • le droit de préemption entre associés ;
  • le droit de sortie conjointe ;
  • la fixation annuelle de la valeur des titres ;
  • la rémunération des associés ;
  • l'engagement de distribution de dividendes ;
  • les assurances croisées, etc…

S’agissant d’un contrat pur et simple, son non-respect est sanctionné par des dommages-intérêts auxquels le contrevenant peut-être condamné.

Il ne peut être modifié qu’à l’unanimité des signataires. Traitant de questions purement capitalistique et non d’exercice professionnel entre associés, il peut ne pas être transmis à l’Ordre, n’est pas déposé au greffe du Tribunal et n’est connu que de ses signataires.

Les statuts, le règlement intérieur et le pacte d'associés constituent donc une trilogie indispensable et en pratique indissociable. Leur contenu dépend de chaque particulier et peut être modulé pour chaque sujet traité à la lumière :

  • de son caractère légalement obligatoire ;
  • de la publicité que l’on souhaite lui donner ;
  • de la sanction applicable en cas de non-respect ;
  • des modalités de sa modification.

La plupart des conflits entre professionnels libéraux exerçant en groupe intervient dans des structures non dotées de règlement intérieur et de pacte d'associés. Si c'est votre cas, parlons-en !

 

Propos recueillis par Interfi-Mag auprès de Jean-Louis Briot, Avocat associé chez implid Legal.