29.10.19

L’irruption récente d’Amazon dans la santé, avec notamment le rachat de Pillpack en 2018, a provoqué un électrochoc parmi les géants anglo-saxons de la distribution pharmaceutique. Sans attendre une possible « disruption » de leur métier, ces leaders de la pharmacie d’officine réinterrogent leur modèle économique et opèrent depuis quelques mois des choix radicaux.

Aux États-Unis, la révolution vient de CVS (première chaîne américaine avec 9 900 pharmacies) et de Walmart (4 700 pharmacies), deux réseaux puissants qui s’orientent vers l’offre intégrée de soins primaires et le suivi des pathologies chroniques. Le premier a lancé, il y a quelques mois CVSHUB, un concept réunissant au sein d’un même espace la plupart des soins de premiers recours : vaccinations, dépistages des troubles visuels et auditifs, analyses de biologie médicale, soins dentaires, suivi de maladies chroniques (diabète, pathologies cardiovasculaires et respiratoires…), et bien sûr, dispensation de médicaments et distribution de matériels médicaux. Objectif : couvrir l’essentiel des besoins en soins primaires, améliorer leur coordination et limiter ainsi le recours aux urgences. Une démarche qui prend tout son sens pour CVS depuis que le groupe a racheté Aetna, l’un des principaux assureurs santé aux États-Unis (plus de 23 millions d’assurés). Testé dans un premier temps à Houston, ce nouveau concept pourrait être déployé sur l’ensemble du territoire américain, avec la création de 1 500 « hub santé ». Son principal concurrent, Walmart Pharmacy, opère un virage similaire. En septembre dernier, le premier groupe de distribution mondial a ouvert dans l’État de Géorgie un nouvel espace baptisé Walmart Health. Contrairement au concept de CVS, celui expérimenté par Walmart choisit de séparer les soins primaires de la pharmacie. Les deux espaces sont côte à côte, sans être intégrés l’un dans l’autre. Walmart Health propose un large panel de services : vaccination, analyses biologiques, soins dentaires, optométrie, audiologie, suivi personnalisé de maladies chroniques et éducation à la santé. Le groupe va notamment mettre l’accent sur la santé mentale, un domaine où les besoins de prise en charge sont immenses (112 millions d’américains vivent dans des territoires sans psychiatres). Quel est le point commun entre les concepts CVSHUB et Walmart Health ? Ils investissent tous deux dans les services faiblement menacés par une rupture numérique. La télémédecine, à laquelle s’intéresse Amazon, se développe fortement aux États-Unis. Mais une plate-forme de soins distants ne peut remplacer l’intervention physique d’un dentiste, d’un biologiste ou d’un psychiatre. Autre fait intéressant à relever chez Walmart : la rénovation complète des espaces destinées à la pharmacie, pensée aussi comme un « hub officinal » : un check-in a été mis en place (le client s’enregistre à l’entrée, afin d’être orienté efficacement vers le service dont il a besoin), les zones d’attente ont été agrandies et rendues plus confortables, notamment pour les personnes âgées ou à mobilité réduite, des automates sont testés pour réduire les délais de délivrance des ordonnances ou permettre leur retrait en dehors des heures d’ouverture de la pharmacie.

Plus proche de chez nous, au Royaume-Uni, la chaîne Boots fait, elle aussi, sa révolution. Un nouveau concept est testé depuis quelques mois en plein centre de Londres, à Covent Garden. Dans un espace de 2 600 m2, entièrement dédié à la beauté, au bien-être et à la santé, l’enseigne fait la part belle aux services et aux solutions numériques : écrans digitaux donnant des conseils et des informations produits, automates de retrait des prescriptions, service de renouvellement en ligne des ordonnances, bornes pour prendre sa tension artérielle ou fabriquer ses semelles orthopédiques. Dans l’espace destiné à la pharmacie proprement dite, des services en présentiel sont proposés aux patients : vaccination, scanner de peau permettant de détecter des infections cutanées, test et traitement d’infections urinaires… Une évolution qui répond à la volonté du NHS (National Health Service) de développer les services de pharmacie clinique et d’intégrer les officines britanniques dans les réseaux de soins primaires.

Les Echos Etudes