20.01.20

Un an après le début de la crise des « Gilets jaunes », des chercheurs du Conseil d’analyse économique ont tenté d’identifier les « déterminants locaux » à l’origine du mécontentement des populations. L’idée étant de disposer d’un outil permettant de « prédire » la survenue de nouvelles crises, mais aussi et surtout, d’identifier les leviers grâce auxquels les pouvoirs publics pourraient les éviter.

Une approche scientifique

Constatant que les « Gilets jaunes » n’étaient pas forcément les plus démunis et que les communes dans lesquelles les manifestations avaient été les plus importantes ne se distinguaient pas des autres par la structure de leur population (profession, niveau d’éducation), le Centre d’analyse économique a choisi de s’intéresser au lien qui pouvait exister entre le mécontentement des populations et la dégradation à l’œuvre de leur environnement local. À cette fin, 5 caractéristiques des conditions de vie locale ont été retenues afin de définir l’environnement social de chaque territoire : l’emploi, la fiscalité locale, les équipements privés et publics, l’immobilier et le lien associatif. Ensuite, précisent les chercheurs, « nous avons mesuré l’évolution de ces dimensions au sein de chaque commune au cours des dernières années et avons analysé leur pouvoir prédictif sur trois symptômes du mal-être : la mobilisation des Gilets jaunes, la variation du taux d’abstention lors des élections présidentielles, ainsi que le mal-être déclaré par les citoyens ».

La fermeture des supérettes

Sans surprise, les communes où le déclin de l’emploi local sur la période 2010-2015 a été le plus important ont connu de fortes mobilisations de « Gilets jaunes » et une progression plus élevée de l’abstention aux élections présidentielles. Mais, ce critère « économique », très souvent mis en avant dans d’autres études, n’explique pas, à lui seul, la montée des colères. Les chercheurs ont ainsi noté que 29 % des communes ayant perdu l’accès à leur dernière supérette ont connu un évènement « Gilets jaunes » contre moins de 10 % de celles dans lesquelles ce commerce de proximité est resté ouvert. Une corrélation que l’on retrouve lors des fermetures de services publics de santé ou culturels tel qu’un lycée, un hôpital, un cinéma ou encore une librairie. « Concernant le bien-être subjectif, l’un des résultats les plus robustes est la corrélation entre la perte de l’équipement infirmier (cabinet individuel, centres de consultation) de la commune et une anxiété plus prononcée », notent les chercheurs.

Redonner la main aux communes

Pour endiguer cette montée en puissance de mécontentement, le Centre d’analyse économique propose de « changer l’approche traditionnelle des politiques territoriales en termes d’objectifs, de méthodes et d’outils de pilotage ». Les chercheurs recommandent ainsi au gouvernement de redéfinir les objectifs d’aides aux territoires en prenant en compte les dimensions de bien-être et non plus seulement les dimensions économiques. Ils préconisent également d’associer plus avant les acteurs locaux dans la définition et l’administration des politiques de soutien mises en œuvre au niveau de l’État.

Frédéric Dempuré