14.10.20

Nul doute que ce PLFSS restera dans les annales de la Sécurité sociale. Après plus de 15 ans d’efforts constants pour ralentir la croissance des dépenses de santé, le projet de loi présenté la semaine dernière en Conseil des ministres anticipe des déficits d’une ampleur sans précédent. Les surcoûts induits par l’épidémie et le Ségur de la santé entraînent des dépenses supplémentaires de 10,4 Md€ en 2020 et 11,7 Md€ en 2021. À la fin de cette année, la Sécurité sociale devrait afficher un déficit historique de 44,4 Md€, alimenté à plus de 65 % par celui de l’Assurance maladie (-29,8 Md€). Il devrait se réduire à -27,1 Md€ en 2021, mais aucun retour à l’équilibre n’est désormais envisagé pour les 5 années à venir. Car la trajectoire financière pluriannuelle de la Sécurité sociale prévoit le maintien de déficits très élevés entre 2022 et 2024, supérieurs ou proches des 20 Md€.

Une partie de ces dépenses supplémentaires est directement imputable au surcoût de l’épidémie de Covid-19. 15 Md€ ont d’ores et déjà été engagés en 2020 et 4,3 Md€ sont provisionnés dans l’Ondam de 2021 au titre des achats de tests, vaccins et masques. À ces dépenses s’ajoute le coût des dispositifs de soutien aux entreprises : exonération de cotisations sociales patronales, aide au paiement de cotisations, apurement des échéances reportées et aides apportées aux travailleurs indépendants. Un coût global de 5,2 Md€, compensé toutefois par le budget de l’État.

Un socle légal donné au Ségur de la Santé

L’une des priorités de la prochaine LFSS est d’amortir l’impact de la crise sanitaire sur l’organisation des soins, et plus spécifiquement sur les établissements hospitaliers et médico-sociaux. Sur les 8,4 Md€ que représentent les « effets Ségur », l’essentiel devra être financé en 2021 (7,4 Md€). Les engagements pris cet été concernent notamment les revalorisations salariales des personnels hospitaliers et des Ehpad, la réforme du financement des activités hospitalières de médecine ainsi qu’une relance des investissements (modernisation des établissements, réouverture de lits, évolution des systèmes d’information, développement de la télémédecine et des solutions de e-santé…). Deux innovations organisationnelles viennent s’ajouter au budget 2021 : le déploiement des maisons de naissance et les hôtels hospitaliers. Les premières sont des structures autonomes de suivi de la grossesse, de l’accouchement et de ses suites, placées sous la responsabilité de sages-femmes. Les seconds sont des structures d’hébergement temporaire non médicalisés, dont l’objectif est de réduire la durée moyenne des séjours hospitaliers et de limiter les coûts de transport sanitaire.

Création de la 5e branche de la Sécurité sociale pour financer le risque de la dépendance

Financer le risque de la dépendance par la solidarité nationale était une promesse de campagne de Nicolas Sarkozy… Promesse qui devait se concrétiser par la création d’une 5e branche dès 2011. Un engagement repris en 2018 par Emmanuel Macron et qui, cette fois, devrait être tenu. Le PLFSS 2021 propose, en effet, la création d’une branche spécifique, laquelle bénéficiera de recettes dédiées et fera l’objet, chaque année, de discussions lors des examens des lois de financement de la Sécurité sociale. Elle sera gérée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), qui lui transfèrera donc son budget et ses dépenses. Par ailleurs, elle se verra affectée de ressources propres, à hauteur de 28 Md€ issus de la CSG, et d’efforts financiers supplémentaires prévus dans le PLFSS 2021, pour un montant de 2,5 Md€.

Des objectifs d’économies revus à la baisse

Dans ce contexte de « précipice budgétaire », le gouvernement et l’Assurance maladie ne peuvent abandonner tout effort d’économies et de régulation des dépenses de santé. Ces efforts sont certes revus à la baisse, avec un allègement de près de 700 M€ par rapport à 2020. Le montant des économies ciblées s’élève pour 2021 à 3,5 Md€, avant prise en compte de la contribution exceptionnelle demandée aux organismes complémentaire santé. Ces derniers sont en effet appelés à faire preuve de « solidarité » car ils ont économisé cette année plus de 2 Md€ en raison des renoncements aux soins depuis le confinement et la prise en charge à 100 % de certaines dépenses par l’Assurance-maladie, en particulier les téléconsultations. Ils devront donc s’acquitter d’une contribution assise sur leur chiffre d’affaires en santé, fixée à 1 Md€ en 2020 et 500 M€ en 2021 (ce dernier montant pourrait toutefois être revu en fonction des évolutions de la situation sanitaire).

De même que l’année dernière, les deux principaux postes d’économies visés sont la maîtrise dite médicalisée des actes et des prescriptions ainsi que les évolutions de l’offre de soins vers des organisations plus efficientes. En revanche, la pression se desserre un peu pour les fabricants de dispositifs médicaux et les laboratoires pharmaceutiques, avec des mesures de régulation tarifaire moins fortes que les années précédentes. Ces derniers vont même bénéficier d’une refonte des dispositifs des ATU (autorisation temporaire d’utilisation accordée aux médicaments innovants) et d’un aménagement de la clause de sauvegarde.

Les Échos Études